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Patrimoine

L'Éphèbe d'Agde n'est plus seul

La découverte, au Cap d'Agde, de deux exceptionnels bronzes campaniens du 1er siècle vient d'être rendue publique. Les restaurateurs nous expliquent le traitement qui leur est réservé.


Jeune romain en tunique courte
et manteau rejeté dans le dos

© DRASSM
À la fin du mois de décembre dernier, un plongeur amateur, Nicolas Figuerolles, a découvert deux statues de bronze. Elles reposaient à deux mètres l’une de l’autre, par environ 8 mètres de fond, à plusieurs centaines de mètres au large du Cap d’Agde. Par l’intermédiaire du DRASSM, le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines du ministère de la culture, elles ont été expédiées à Arc’Antique, un laboratoire créé par le conseil régional de Loire-Atlantique et spécialisé dans le patrimoine sous-marin. «Les sculptures reposent dans des bassins remplis d’eau de ville depuis qu’elles sont arrivées ici, au tout début du mois de janvier, explique Nathalie Huet d’Arc’Antique. «Il est important de conserver les objets en milieu humide aussi vite que possible après leur exhumation pour éviter tout phénomène de corrosion».

Depuis lors, ces œuvres exceptionnelles ont été étudiées par Claude Rolley, un professeur de l’Université de Dijon, spécialiste des bronzes antiques. La première représente un jeune enfant nu au corps potelé. Il s’agit d’une figure d’Eros dont les deux ailes faites à part se sont cassées au ras du cou. La seconde, en très bon état de conservation, est beaucoup plus originale par son iconographie. Il s’agit d’un jeune garçon debout et fortement déhanché. La position de son bras gauche, brisé au niveau du poignet, indique qu’il devait tenir quelque chose dans la main, peut-être un petit animal familier vers lequel son index droit est tendu. Détail curieux, il porte une tunique courte, complétée par un manteau rejeté dans le dos et fixé par une fibule ronde, costume généralement arboré par de jeunes adultes et plus particulièrement par des cavaliers. S’agissait-il d’indiquer qu’il n’était plus vraiment un enfant ou qu’il avait un statut social particulier ?


Jeune enfant nu :
représentation d'Eros

© DRASSM
Toutes les données semblent confirmer que ces deux bronzes figuraient dans la cargaison d’un même navire. Ils ont été créés entre le 1er siècle av. J.-C. et le 1er siècle ap. J.-C., sans doute en Campanie. L’Eros est soudé sur une base ronde décorée d’un tore et d’un quart-de-rond, fréquente dans la région du Vésuve à cette époque. Quant au jeune romain, sa facture est caractéristique de l’époque hellénistique tardive ou du début du Haut Empire. De plus, leurs dimensions moyennes (65 et 80 cm) indiquent qu’ils étaient destinés à la décoration de maisons et de villas. La zone, fouillée par les plongeurs du DRASSM depuis la découverte, n’a pourtant révélé aucune épave, juste trois jas d’ancre enfouis sous les sédiments. Information dont les archéologues déduisent qu’un navire échoué a du se trouver dans l’obligation de se délester de ses charges ou qu’un bateau naufragé a vu sa coque déchirée par les lames et sa cargaison dispersée par la mer.

Avant de rejoindre les collections du musée du Cap d’Agde, déjà célèbre pour L’Éphèbe d’Agde, découvert dans le lit de l’Héraut en 1964, les deux statues vont subir un traitement au laboratoire nantais. «La première étape est primordiale, il s’agit de stabiliser les œuvres pour éviter la reprise de la corrosion qui est particulièrement importante dans le cas d’œuvres sorties du milieu marin et présentant des chlorures», reprend Nathalie Huet. «Pour accélérer le processus, nous allons construire une cage autour des sculptures et polariser l’ensemble pour provoquer la migration des chlorures, mais il reste difficile d’évaluer le temps que cela prendra. On compte généralement entre 2 et 6 mois pour de petits objets comme ceux-ci. Une fois ce travail accompli, nous procéderons à la restauration proprement dite : l’élimination des sédiments, des concrétions, le rebouchage de trous inesthétiques ou le soclage». Pendant toutes ces étapes, les spécialistes tenteront de soutirer de nouveaux secrets à ces œuvres en les radiographiant et en analysant le métal qui les constitue. «Nous allons les faire parler au maximum !».


 Zoé Blumenfeld
25.02.2002