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Musées

Christine Germain du palais des beaux-arts de Lille.

Plus qu’une maquette d’ingénieur, le plan-relief de la ville d’Audenarde est une véritable œuvre d’art.


Ingénieur Nezot, Plan-relief
de la ville d'Audenarde
, 1747
Musée des plans-reliefs
© Photo: C. Carlet
Construit en 1747 par l’ingénieur Nezot, cet objet représente Audenarde. Cette ville belge s'est implantée au bord de l’Escaut dès le 9e siècle, et s’est développée plus particulièrement au 12e et 13e siècle. Elle a été rattachée à la France en 1667 et fortifiée par Vauban en 1670. Elle fait partie des conquêtes de Louis XIV. Bien plus qu’une maquette de travail et de réflexion, il est traité comme une œuvre d’art. Il a gardé son cartouche d’origine, qui est doré et qui indique qu’il s’agit du plan d’Audenarde. Les couleurs du piètement sont bleues et or. Il fait beaucoup plus objet précieux, ou cabinet de curiosité, que maquette stratégique. Par-dessus tout, il est représenté en eau, ce qui est exceptionnel. Les villes se défendaient, non seulement avec des murailles, mais aussi par un système d’inondation qui les isolait de leurs ennemis. Toutes les villes en avaient un, mais ce plan-relief est le seul à le représenter. La ville est dépeinte en état de siège. Sur le plan, il est même mentionné : « inondation ». Cela est rarissime. On ne le retrouve sur aucun autre plan. Son animation est très séduisante et a été traitée avec goût et détail. Les couleurs de la campagne sont magnifiques. Il y a une représentation parcellaire, avec des champs ayant différents types de cultures. On observe également des hameaux. Les bâtiments importants comme le château, ou les églises ont été volontairement grossis, pour qu’ils soient plus visibles. Cet élément est intéressant, parce que cela a nécessité la suppression de rangs d’habitations au bord de ces édifices. Cela soulève la question de l’exactitude du plan-relief. Il est aussi animé de petits détails charmants comme un bateau sur l’Escaut, hors de proportion, qui n’aurait jamais pu passer sous le pont écluse. Toutes ces ruptures d’échelles en font avant tout un bel objet.


Ingénieur Nezot, Plan-relief
de la ville d'Audenarde
, 1747
Musée des plans-reliefs
© Photo: C. Carlet
Il fait partie de la collection des seize plans-reliefs du musée de Lille, obtenue après moult tractations. La collection générale appartient au musée des Invalides et le musée de Lille conserve un dépôt, comprenant le plan-relief d’Audenarde. Il s’agit d’une série de villes du Nord, dont certaines sont aujourd’hui hollandaises ou belges, mais qui au 17e siècle sont devenues françaises à la suite des guerres innombrables de Louis XIV. C’est ce que l’on appelle la frontière du nord et le système de pré carré de Vauban. Les plans-reliefs posent des problèmes de présentation. Ce sont des œuvres de grandes dimensions qui font entre 30 et 50 m2, en ce qui concerne la collection de Lille. Ceux du musée des Invalides sont parfois encore plus grands. Ce sont des plans en bois, en soie, en papier aquarellé, en carton, donc extrêmement fragiles. Les couleurs datent du 17e et du 18e siècle, ce qui impose une lumière assez faible, proche de celle que l’on utilise dans les cabinets de dessin. Le plus problématique reste la poussière : on est obligé de les conserver dans des vitrines étanches. Le plan-relief d’Audenarde illustre au 18e siècle,
une technique élaborée depuis environ une soixantaine d’années : son âge d'or.


  Propos recueillis par L'Art Aujourd'hui
29.11.2001